Votre stratégie, comme la mienne, est vouée à l’échec.

Mariana Mirabile
5 min readMar 20, 2021

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Le point de départ de cette analyse était de comprendre pourquoi les acteurs du changement — toutes les personnes qui font des efforts pour changer le monde au nom du bien commun — échouent à résoudre la crise environnementale. Thwink.org considère que la source de cet échec se trouve dans un processus de résolution des problèmes utilisé par ces acteurs qui ne serait pas adapté à la complexité du problème à résoudre.

Crédit photo : Maarten van den Heuvel sur Unsplash

Tout problème a des causes profondes, qu’il est nécessaire de cibler pour pouvoir le résoudre. Nous avons vu que dans les systèmes complexes, le comportement ou les résultats que l’on observe (et notamment les résultats dangereux comme celui d’émettre des niveaux de gaz à effet de serre non soutenables) proviennent de la structure du système. C’est donc seulement en comprenant cette structure que l’on peut trouver les causes profondes des problèmes observés.

La facilité ou la difficulté d’identifier les causes profondes d’un problème dépend du problème en question. Par exemple, si la chaîne de votre vélo saute, vous pouvez facilement comprendre la raison pour laquelle votre vélo ne roule plus. Votre problème est que le vélo ne fonctionne plus, la cause du problème est que la chaîne est sortie du dérailleur. La solution consiste à remettre la chaîne en place. Facile. Maintenant, si c’est votre voiture qui ne marche plus, vous risquez de ne pas avoir les compétences pour identifier la cause profonde de la panne mais un.e mécanicien.ne pourra très certainement le faire. Il saura comment chercher la cause du dysfonctionnement de votre voiture et réparera la panne. C’est certainement un peu plus cher mais c’est encore assez facile. Quand on en vient aux problèmes complexes, et en particulier aux problèmes tels que celui de la crise environnementale qui touche l’ensemble de la société, trouver les causes profondes est bien plus difficile.

Thwink.org a fait des recherches sur la façon dont les acteurs du changement s’attaquent à la résolution des problèmes et a identifié un schéma préoccupant. Selon leurs études, le processus de résolution des problèmes peut être décrit ainsi : pour résoudre un problème, il faut trouver les solutions qui fonctionnent et diffuser ensuite ces connaissances. Lorsque les citoyens et les gouvernements verront qu’implémenter les solutions que vous revendiquez serve leur propre intérêt, ils commenceront à agir en ce sens.

Ce processus comprend trois étapes :

  1. Identifier le problème.

2. Trouver les solutions adéquates (comment résoudre le problème)

3. Mettre en place les solutions (en sensibilisant au problème, en faisant du plaidoyer sur les lois, etc.)

D’après Thwink.org, il manque une étape à ce processus de résolution de problèmes : l’identification ou analyse des causes profondes. L’absence de cette étape pourrait s’apparenter à un médecin qui s’affranchit de l’étape du diagnostic et devinait ce que serait un bon traitement (la solution).

Thwink affirme que le processus de résolution des problèmes actuellement mis en œuvre par les acteurs du changement ne permet pas à ces acteurs d’identifier les causes profondes des problèmes, et donc de les résoudre. Par conséquent, leur attention et leurs efforts se concentrent sur les causes intermédiaires et non pas sur les causes profondes. Parmi les exemples de causes intermédiaires, on peut citer l’externalisation des coûts par les entreprises, le paradigme de la croissance économique, l’absence de lois environnementales ambitieuses ou le fait que les acteurs du changement ne soient pas encore une masse critique. Bon nombre de ces causes étaient, pour moi, des causes profondes. Nous verrons pourquoi, selon Thwink (et maintenant selon moi aussi) elles ne le sont pas.

Voici l’une des principales conclusions de l’analyse. Étant donné la nature de la crise environnementale, les efforts des acteurs du changement qui ciblent des causes intermédiaires seront toujours plus faibles que la force déployée par le système pour résister à ce changement. C’est comme si les acteurs du changement tiraient des flèches sur une cible qui se trouverait derrière un mur de briques qui serait invisible à leurs yeux. Dans cette analogie, les flèches représentent les efforts déployés par les acteurs du changement pour mobiliser et sensibiliser : marches, plaidoyers, désobéissance civile, etc. Le mur constitue la résistance systémique au changement, et la manière de le “détruire” est traitée en détail dans cet article [lien disponible bientôt] (spoiler: pas avec des flèches).

En bref, l’analyse suggère que nous devrions, en premier lieu, nous concentrer sur la suppression du mur de résistance au changement, afin de permettre l’adoption des lois nécessaires. Faute de quoi, les plaidoyers en faveur de lois environnementales, les marches citoyennes, et les campagnes de sensibilisation déployées par les acteurs du changement seraient voués à l’échec, car la résistance contre le changement proposé sera plus forte que les forces de ceux et celles qui proposent le changement.

Le “faute de quoi” du paragraphe précédent n’est pas là par hasard. Mon propos n’est pas de dire que les stratégies de mobilisation ou sensibilisation sont inutiles. Loin de cela. Nous avons besoin de sensibilisation et de mobilisation, mais ces actions ne suffiront pas pour changer le système. Cet article explique pourquoi.

Gardez à l’esprit mon cadeau

La lecture de cet article peut être dérangeante. Votre cerveau a-t-il cherché à trouver des raisons pour lesquelles l’article ne faisait pas sens ? Avez-vous été amené à penser à toutes les analyses de causes profondes que vous avez pu faire dans le passé et que vous pourriez citer pour me donner tort ? Peut-être avez-vous pensé que les problèmes dans le passé étaient également très complexes et que pourtant on avait été capable de les résoudre ?Ou peut-être, cet article vous a-t-il déprimé, car si la mobilisation et la sensibilisation ne marchent pas, vous ne savez plus ce qui pourrait marcher.

Crédit photo : Kira auf der Heide sur Unsplash

Deux commentaires. Le premier est que j’aimerais en savoir plus sur vos réactions, afin de ne pas rester sur des suppositions. Le second est que ce que je viens de vous présenter est une excellente nouvelle.

Au fond, cet article nous dit que nos stratégies échouent parce que nous ciblons les causes intermédiaires plutôt que les causes profondes. Ce faisant, la force du système qui se “défend” est plus forte que la force que nous pouvons exercer pour le changer (les flèches ne peuvent pas faire tomber un mur de briques).

Si notre processus de résolution des problèmes nous conduit à des solutions qui n’ont pas fonctionné dans le passé, nous pourrions voir l’intérêt à changer de processus. Et si cela vous parle, l’article suivant vous intéressera

Continuer à lire.

Cet article fait partie d’une série dont l’introduction se trouve ici.

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Mariana Mirabile

I am an economist with a passion to improve systems. All views are my own.